Les belles pages de l'Olonnois

La naissance de l’olonnois
LA NAISSANCE DE L’OLONNOIS L’histoire de la naissance de l’Olonnois a tant de fois été demandée à son géniteur que ce dernier en éprouvait parfois

L’Olonnois
L’OLONNOIS De l’avis général des connaisseurs, les petits canots pêche promenade de Clément Dubernet ont une sacrée allure. Un jour, de passage aux Sables, Eric
Les Chantiers Dubernet - Jean-david NAU & l'Olonnois
Naissance d’un petit canote appelé…L’O…
Il a été créé sans CAO, uniquement sur le savoir-faire d’un charpentier de marine d’exception, Clément DUBERNET, qui a mis sa compétence à la demande d’un client désirant un bateau côtier maniable et marin. C’est ainsi qu’est né en 1960 le premier exemplaire, il fallait lui choisir un nom, il avait les caractéristiques d’un petit croiseur côtier de même taille appelé Corsaire, en puisant dans l’histoire locale il a été appelé Olonnois, en référence au célèbre flibustier natif de la chaume, Jean-David NAU, dit l’Ollonais ou l’ollonois, et pour représenter sa vaillance et sa résistance son sigle est formé d’une étoile rappelant la rose des vents et représentant les 4 points cardinaux avec en son centre le O d’Olonnois et aux extrémités des pôles une hache d’abordage. Présenté au salon nautique sans véritable conviction, le succès a été immédiat puisque en 14 ans 150 unités ont été produites.
Histoire du célèbre flibustier Jean-David NAU
La saga des olonnois
La saga des Olonnois
Bonjour. Je me présente. Je suis un Olonnois, vous savez un de ces petits bateaux en bois qui depuis quelques années égaient la rade l'été de leurs multiples couleurs toutes plus chatoyantes les unes que les autres. Vous m'avez sûrement remarqué un jour ou l'autre au cours d'une promenade sur le remblai ou sur les jetées du port, forcément mes amis et moi ne sommes pas comme ces voiliers modernes qui sont monochromes. Ils se veulent blancs, mais en réalité ils sont gris. Ça fait un peu tristounet le gris, vous ne trouvez pas, non ?
Je suis sûr qu'un jour vous avez vu notre flottille dans le chenal sortir en mer, vous les avez comptés par curiosité, ces bateaux ils étaient une bonne quinzaine. Vous les avez observés du haut du quai, les comparant les uns aux autres, vous n'en avez pas vu deux pareils ; n'est-ce pas ? Malgré vous, vous étiez charmé, tous ces petits bateaux aux couleurs différentes, que ce soit leurs coques ou leurs voilures vous ravissaient.
Je parierais que vous avez interrompu votre promenade pour nous accorder quelques seconds d'attention, il vous était difficile de faire autrement, d'autant plus que les autres promeneurs faisaient comme vous et ajoutaient des commentaires flatteurs que vous écoutiez d'une oreille pas très discrète ! N'est pas un peu vrai ce que je vous dis ?
Et puis brusquement vous vous êtes souvenu d'en avoir vaguement entendu causer par des personnes et lu également quelque chose dans la presse où il était question de vieux bateaux en bois Sablais que des hommes avaient réparés et remis sur l'eau. Votre intérêt s'est accru, vous les avez regardés de plus près ces petits voiliers et vous vous êtes dit que les hommes qui étaient à bord avaient bien de la chance ! Ils avaient celle de réaliser leurs rêves, privilège rare à notre époque ! Ils sont peu nombreux ceux qui peuvent le faire.
Vous avez repris votre promenade, mais vous vous êtes retourné deux ou trois fois pour regarder encore ces bateaux multicolores, car ils accrochent le regard. Bien sûr ce ne sont pas des merveilles de haute technicité, bourré d'électronique, laser ou autres nouveautés ! Non, pas du tout, pourtant ils sont le symbole d'un métier aujourd'hui disparu, le savoir d'hommes qui bien que n'ayant pas fait de grandes études mathématiques, connaissaient parfaitement la résistance des matériaux qu'ils employaient avec art, obtenant des résultats qui forcent encore de nos jours l'admiration.
Ces hommes avaient l'amour du travail bien fait, de la finition parfaite, du détail précis malgré que certains sûrement ne savaient pas lire un plan. Ils n'en avaient pas d'ailleurs, leur savoir était empirique, c'est peut-être ce qui en fait sa valeur. Alors pour que les générations suivantes sachent ce qu'étaient capables de faire leurs aïeux, il était nécessaire de sauver ce que l'on pouvait sauver afin que le métier, l'adresse, les connaissances de ces hommes qu'étaient les charpentiers de marine ne soient pas perdus à tout jamais ! C'est une des raisons majeures qui a poussé ces hommes de nos jours à remettre en état ces vieux Olonnois pour leur plaisir personnel et pour que perdure la mémoire de nos ancêtres.
Vous vous êtes probablement dit, il serait intéressant de voir ces petits bateaux de plus près, il va falloir que je sache, que je demande où ils s'amarrent, de façon à aller les voir, les regarder sous tous les angles, je suis sûr que cela m'intéresserait. Ce qui serait chouette ce serait qu'il y aurait deux ou trois de ces hommes avec lesquels je pourrais engager une conversation, leur parler de leurs bateaux, si toutefois ils m'acceptent auprès d'eux, sur leur ponton, rien n'est moins sûr. Ce sont peut-être des hommes un peu spéciaux, une sorte de clan assez fermé qui ne fréquente que ceux qui partagent leurs idées, leur passion. Il faudra que je me renseigne.
Venez, venez cher Monsieur nous allons tout vous dire, et avec un réel plaisir croyez-moi. Voilà, nous ne sommes pas des grands bateaux, nous ne faisons que cinq mètres de long, nos performances nautiques sont modestes. Qu'importe, ce n'est pas l'essentiel, je dirais même que c'est secondaire pour nous ! Notre but est de faire naviguer ceux qui nous aiment d'une autre manière, comme au temps de notre jeunesse, quand tous les bateaux étaient en bois. Il faut bien vous dire que nos propriétaires n'ont pas un bateau, mais un Olonnois !
Je m'explique. Nous sommes construits en bois, oui Monsieur, en bois d'arbre comme l'on dit chez nous, en bois bordé sur membrures en acacia. Je n'ose pas vous dire en planches, j'aurais l'air de vous prendre pour un ignare, vous êtes tout excusé de ne pas savoir.
Ce type de construction nous donne nos lettres de noblesse, malgré notre petite taille qui n'intervient nullement dans ce titre. Nous faisons partie de l'aristocratie de la voile et cela uniquement à cause des matériaux employés pour notre construction.
Savez-vous que certains d'entre nous ont encore leurs voiles d'origine en coton ! Surprenant n'est-ce pas ? Si vous saviez les convoitises dont nous sommes l'objet ! Même de la part de propriétaires de yachts dont le prix nous donne le mal de mer ! Quand ils nous croisent, ils font souvent un petit signe d'amitié ou de compliment tout en nous photographiant, j'oserai à dire qu'ils nous envient quelque part !
Il y a de quoi, admettez-le. La plupart d'entre nous ont les voiles de couleurs différentes ainsi que la coque. C'est plaisant, non ? Cette variété de coloris, il n'y a aucune uniformité, aucune similitude comparée aux bateaux modernes en plastique ! Si je vous disais que lorsque nous sommes sur l'eau, éparpillés sur la rade, nous nous identifions grâce à ces couleurs. Aucun d'entre nous est peint comme son voisin.
Malheureusement nous sommes les derniers de cette race, nous n'aurons pas de descendants ! Il ne se fait plus de bateaux en bois, il n'y a plus de charpentier de marine ; le métier est disparu ! Quel dommage ! Car la Marine, Monsieur, la vraie était en bois ; et en bois de qualité !
Au fait quel âge vous me donnez ? Vous ne vous êtes jamais demandé d'où nous venions ? De quel chantier ? Comment cela se fait-il que depuis quelques années nous réapparaissions ? Où étions nous auparavant ? On ne nous voyait pas dans le port.
Je vais vous le dire. Notre âge en 1999, la moyenne se situe entre trente et quarante ans*. Où avons-nous été construit et par qui ? Mais ici même ! Nous sommes de purs Sablais, teintés d'un cousinage avec les Chaumois, ce qui nous honore. Il faut vous dire que l'atelier où nous sommes nés était à la Cabaude, donc à la Chaume, ceci expliquant cela, notre créateur Monsieur DUBERNET était lui aussi un authentique Sablais. Nous n'avons pas été dessiné dans le bureau d'études d'un grand architecte naval, pas du tout mais bien par la main de Monsieur DUBERNET qui a tracé nos premières lignes sur un morceau de planche ramassé à terre dans son atelier sur la demande insistante d'un client qui voulait à toutes forces que Monsieur DUBERNET lui construise un petit bateau.
Vous ne me croyez pas ? Pourtant je vous jure que c'est la pure vérité, nous le tenons de la bouche même de l'intéressé, il se plaisait beaucoup à le raconter à qui voulait l'entendre.
Ensuite il nous a fignolé, peaufiné, équilibré, bref il a fait de nous ce que nous sommes ; tels que vous nous voyez. C'était un génie cet homme, car vous ne le savez sans doute pas, mais nous sommes une famille qui a compté plus de cent cinquante membres ! Ça vous épate n'est-ce pas ? Vous en connaissez beaucoup de séries monotypes comptant autant d'unités ? Ne cherchez pas, il n'y en a pas, nous sommes les seuls au monde !
Eh ! Oui, ça surprend mais c'est ainsi. Notez que tout en étant très fiers de cette situation, nous n'en tirons aucune gloire, aucune supériorité. Nous avons eu la vogue dans les années soixante, puis le plastique est arrivé ! Ce fut la lèpre ! La désolation, nous connûmes la déchéance, l'exil !
Nos propriétaires qui nous entretenaient avec beaucoup de soins et d'attention, brusquement furent saisis de crises de flémingites aigues et nous délaissèrent, nous négligèrent, ne cachant pas leur préférence pour ces boîtes en plastiques ! Bien sûr, il n'y avait aucun entretien, peinture, calfatage ou autre travail pour nous maintenir en état. Ces bateaux étaient soi-disant, à ce qui se disait fonctionnels, rationnels, que sais-je encore ! Le résultat final c'est que peu à peu on nous a poussé dans les arrières ports, vasières, chenaux peu fréquentés, ignorés même, que l'on évite tant le spectacle est triste, ou notre agonie commença inéluctablement.
Parfois un vieux marin pêcheur, l'œil humide vient nous voir, contempler ce désastre qui lui arrache le cœur, ne pouvant empêcher une vieille chanson, très belle, lui revenir en mémoire. Au fond de ton vieux port dit-elle, s'entasse les carcasses des bateaux déjà morts**.
Comme c'est vrai ! Quelle souffrance ce fut pour nous de nous voir ainsi abandonnés nous qui avions fait les beaux jours de tant d'hommes, heureux et fiers de nous posséder ! En plus de cet abandon s'ajoutait l'infamie de mourir dans la vase ! Cette vase nauséabonde qui nous envahissait, nous pourrissait, nous détruisait ! Ce n'est pas une fin glorieuse pour un bateau de périr dans la vase, engloutit dans celle-ci, rongé par les vers ; c'est horrible !
Parlez-moi d'un naufrage fracassant sur des rochers suite à un mauvais coup de suroît ! Voilà une fin qui a du panache ! Voyez le « Pourquoi pas » du Commandant Charcot, l'un comme l'autre ont disparu ensemble et pas dans la vase ! Vous trouvez que j'exagère ? Moi pas !
Nous avons un sens de l'honneur nous les bateaux en bois qui nous vient de nos ancêtres, que ce soit les Corsaires, Flibustiers, écumeurs des mers du Sud ou alors si vous préférez les grands découvreurs de continents inconnus, Magellan, La Pérouse, Bougainville, etc. C'étaient des hommes d'honneur qui ne disparaissait pas dans une vasière avec leurs navires ! Ah non !
Certains d'entre nous, à la suite de cette désaffection ont servis de toit à lapins ! Vous imaginé l'hérésie ! Des toits à lapins ! D'autres ce fut des abris de jardin, ou bien des poulaillers ! Nous des bateaux ! Nous touchions le fond de l'abîme ! Quelques-uns ont eus la chance d'être brûlés, veinards ! C'est alors, que miracle ! Il y eut ici et là des hommes de goût, épris de belles choses, de beaux objets, j'allais dire d'objets d'art, n'exagérons pas quand même, quoique, à la réflexion ...
Des hommes qui savaient que le matériau le plus noble qui soit est le bois. Que toute construction en bois, meuble, voilier, chalet porte en elle une valeur personnelle que l'on ne peut lui enlever. Cette valeur c'est le savoir-faire des hommes, leur amour de leur métier, c'est aussi les différentes essences de bois utilisées à bon escient.
Savez-vous que nos pièces maîtresses : quille, varangues, étrave sont en chêne, nos membrures sont en acacia, nos bordés en acajou, nos mâts, espars divers, en spruce, quant aux pièces métalliques elles sont en bronze ! Ce n'est pas une valeur ça ! Un label de qualité ! Essayez donc de trouver son égal à l'heure actuelle, une œuvre aussi riche, ce sera difficile croyez-moi !
Ces hommes ont décidé de ne pas nous laisser disparaître. Ils veulent que les générations à venir voient le talent qu'avaient leurs ancêtres, leur goût du travail bien fait, l'amour de leur métier, leurs connaissances en architecture navale bien avant l'arrivée des ordinateurs.
Ces hommes se sont rencontrés, regroupés, ont formés une Association, une Amicale pour s'entraider mutuellement afin de nous sauver, et ils y réussissent pleinement. Ils mettent en commun leurs bonnes volontés, leurs savoirs différents et surtout leur amour, leur passion pour nous, vieux bateaux en bois, méprisés de tous ou presque et abandonnés ! Nous qui pensions que nos jours étaient comptés, que plus jamais nous ne retournerions sur la mer, vous comprenez notre bonheur, notre enthousiasme, c'est une véritable résurrection, inespérée !
Nous allons connaître encore la griserie des embruns sur notre avant, quand notre étrave ouvrira une vague en deux, ou alors quand celle-ci nous prenant par le côté viendra éclater sur notre flanc arrosant l'équipage, tout en embarquant de l'eau ! Nous connaîtrons de nouveau la souffrance d'un bord de près par belle brise, quand notre gréement tendu à rompre gémira sous la pression du vent dans la voilure ! Oui, mais alors quel bonheur quand après un virement de bord nous repartirons vent arrière ! Pour aller encore plus vite, nos équipages rajoutent des voiles qu'ils mettent à ces allures, certains ont même des tangons ! C'est vous dire ! Notre père n'avait pas prévu ces voiles supplémentaires qui nous embellissent, preuve qu'on nous aime.
Nos propriétaires rivalisent entre eux pour nous embellir, nous donner un cachet, un plus sur le voisin ! Si je vous disais que certains étant obligés de nous refaire le pont, celui-ci était pourri, ils l'ont fait avec des lattes de teck ! Avouez que cela donne une certaine classe, un plus.
Actuellement une trentaine d'Olonnois* sont remis en état de naviguer, c'est peu sur cent cinquante, mais il y en aura d'autres, c'est certain ! La notoriété de l'Amicale s'étend peu à peu, quelques articles de presse y ont contribué, mais surtout la présence des Olonnois à de grandes manifestations de vieux gréements, tels que les régates du Bois de la Chaize au mois d'août à Noirmoutier, ou à Brest à la grande fête internationale qu'il y a tous les quatre ans, sans compter les manifestations qu'ils font ici dans la rade l'été en pleine saison devant des estivants médusés et charmés qui nous photographient à tour de bras !
L'important c'est qu'il y ait des survivants, les hommes eux seront toujours présents pour continuer la tâche commencée, ça c'est sûr. Cela peut paraître étonnant d'ailleurs car certains d'entre nous étaient à l'état d'épave que l'on aurait pu croire irrécupérables ! C'était sous-estimer l'ardeur de nos sauveteurs, rien ne les rebute, ne les décourage ! Ils n'ont qu'un seul but, nous remettre en état de naviguer et pour cela ils ne ménagent pas leur peine car parfois le mal est plus profond qu'il n'y paraît, pas plus qu'ils ne lésinent sur les dépenses, sur les frais que nous leur occasionnons, bien qu'ils n'aient pas pour la plupart des moyens financiers illimités !
Sans aller jusqu'à faire des folies ces hommes n'hésitent jamais à acheter du matériel de qualité pour nous équiper. Aucun n'est la réplique exacte d'un autre, chacun veut se démarquer pour avoir sa propre personnalité qui se manifeste par les couleurs différentes de nos voiles, de la coque, c'est ce qui en fait le charme, vous ne croyez pas ?
Un jour nous étions plusieurs sur la cale sèche pour une toilette générale que l'on fait deux fois l'an, eh bien savez-vous ce qu'une dame, très charmante au demeurant, a dit à mon patron qui lui vantait mes charmes avec un flot de paroles, car il est un peu bavard : « Si je vous comprends bien Monsieur lui a-t-elle dit, votre bateau c'est votre danseuse ? ». Vous vous rendez compte du compliment ! J'en suis resté tout baba, mon patron aussi pourtant je vous assure qu'il a du bagout, mais là il était KO, KO mais content !
Notez que c'est vrai, car ils nous courtisent ces hommes, nous cajolent, nous font des cadeaux pour nous parer, pour nous mettre en valeur, pour être fiers de nous !
Je vais vous faire une confidence, mais ne le répétez pas s'il vous plait. Je suis sûr que la plupart d'entre eux préfèrent nous acheter une voile neuve qu'une robe à leur femme ! Mais je vous en prie ne dites rien, car elles sont un peu jalouses et ça ferait des histoires !
Je vous disais tout à l'heure que nous participions à des manifestations nautiques, mais la plus belle, celle qui nous a le plus honoré, celle où nous avons certainement côtoyé le sublime ce fut à Noirmoutier en compagnie du Pen-Duick que Tabarly, lui-même barrait en personne. Ce fut un grand honneur pour nous de prendre le départ d'une régate en sa compagnie, inutile de vous dire qu'il allait plus vite que nous, nous laissant carrément sur place ! Mais l'apothéose si j'en crois ce qu'on a raconté nos patrons ce fut le dernier bord qu'ils firent à terre, un repas en commun auquel participaient tous les équipages, leurs femmes et amis. Par quelle heureuse circonstance la table de nos skippers voisina avec celle de Tabarly et ses amis, mystère ! Ce qui est sûr c'est qu'à cette table il y avait du beau monde croyez-moi, non seulement Eric Tabarly et Madame mais également le gratin de la voile, photographes célèbres, et autres !
L'ambiance fut très chaude paraît-il, au point que Madame Tabarly monta dans une chaise pour chanter devant deux ou trois cents personnes admiratives et charmées. Tabarly chanta à son tour suivit de nos patrons qui ne voulaient pas être en reste. Ils lui firent chanter l'hymne Sablais « Partons la mer est belle*** » qu'il chanta à pleins poumons ! C'est vous dire s'il est bon vivant, on vous racontera ça dans le détail un de ces jours.
A la très grande course qu'est le Vendée Globe nous avons eu l'honneur d'embarquer des candidats prestigieux pour une régate acharnée, je ne citerai pas de noms pour ne pas faire d'envieux, mais nous avons eu l'honneur d'embarquer les meilleurs ! Alors vous me comprenez n'est-ce pas si nous avons parfois une certaine fierté, car enfin être barré par des hommes qui s'en vont faire le tour du monde en solitaire, ça aussi ça donne des lettres de noblesse.
Laissez-moi vous dire cependant que nous n'avons rien à prouver, rien à démontrer. Notre bonheur c'est de vivre, de revivre ! Quand on a vécu l'abandon total avec pour horizon une fin misérable, honteuse, et que par une chance inouïe, inespérée on revient à la vie, on apprécie à sa juste valeur cette résurrection.
Il est possible que certains néophytes en nous voyant passer dans le chenal disent que nous n’avons guère de points communs avec les grands coureurs des mers, qui chevauchent les vagues avec panache, sautant aisément de l'une à l'autre et que ce n'est pas demain que nous décrocherons une médaille olympique de champion de vitesse sur l'eau !
Ça c'est sûr, mais si vous saviez comme cela nous est indifférent, nous sommes des philosophes et mettons en pratique cette célèbre devise qui dit que plus l'on va vite plus le temps est court, et nous, nous ne sommes pas pressés d'aller voir ailleurs ce qui s'y passe. Nos ambitions sont modestes mais ont un but unique, nous faire plaisir avec les moyens dont nous disposons sans envier des choses impossibles à atteindre.
Si vous saviez le bonheur que nous avons à gambader sur les vagues, à régater entre nous, poussés par nos voiles pleines de Noroît, la brise dominante ici par beau temps, ce qui nous donne une superbe moustache d'étrave ! Dans les bords de portant alors là nous nous déchaînons, nous vibrons de la tête du mât au bas de la quille par la vitesse ! Si vous étiez auprès d'une bouée de parcours à virer, alors qu'il se présente plusieurs concurrents, vous verriez si nous nous faisons des politesses ! Ce n'est pas du « Après vous, je vous en prie » mais des cris véhéments de protestations ! Des cris de régatiers chevronnés, tels que « De l'eau, de l'eau ! », « Tribord amure ! Priorité !», « Débordez-vous !». Il n'y a plus d'amis, mais des rivaux qui veulent tous bien se classer, être le meilleur d'un jour, c'est bien normal.
Bien sûr la régate terminée, dans le dernier bord au siège de l'Amicale un verre à la main chacun explique son cas, pourquoi il n'est pas dans les premiers car untel lui a coupé la route ou refusé un bord, ce qui bien sûr n'est pas toujours évident, mais il faut bien justifier ses échecs. Finalement tout se termine très bien et chacun rentre chez soi le cœur heureux.
Et c'est cela notre but, nous donner du bonheur entre nous avec nos modestes petits bateaux. Peut-être sommes-nous égoïstes, sectaires aussi, car nous ignorons superbement tout ce qui est sur l'eau et qui n'est pas construit en bois, qui n'est pas un vieux gréement, mais que voulez-vous c'est notre famille les Olonnois, une petite famille ici dans le port des Sables qui réunit environ mille bateaux paraît-il, mais seulement une vingtaine de bateaux en bois ! Vous voyez nous sommes en minorité, qu'importe ! Nous avons nos lettres de noblesse, ne serait-ce que les matériaux employés à notre construction ! Nous faisons partie de cette Marine qu'on appelle encore de nos jours la Marine en bois et a laquelle nous sommes très fiers d'appartenir, qui a prouvé sur toutes les mers du globe ses qualités maritimes, ce que nous nous efforçons de perpétuer, modestement certes, mais avec une sincère conviction pour que nos descendants en voyant ces modestes bateaux puissent se dire leurs aïeux avaient du goût et un bon sens marin, ce qui est un très beau compliment pour tous.
Un Olonnois parmi les autres. Janvier 99.
*Du chemin a été parcouru depuis cette date. Aujourd’hui, en janvier 2025, près de 50 Olonnois restaurés sont amarrés au ponton au M, arborant fièrement plus de 60 ans d’existence.
**Chanson de marin « Loguivy de la Mer »
***Dans le répertoire musical du groupe de chants de l’Amicale